Avez-vous conscience du pouvoir que vous avez ? C’est le sens de l’article écrit par Marie–Hélène Blanché, experte des achats responsables. Quand l’acheteur change le monde, ou quand l’acheteur utilise mieux toutes les démarches, pratiques et outils à sa disposition. Je l’ai invité à nous faire partager ses convictions. . Il ne pourra pas y arriver tout seul, mais son action est essentielle au mouvement de transformation qui s’engage. Alors, prêts pour changer le monde, les acheteurs ?
Dans cet article, j’ai laissé la « plume » à une personne que j’ai rencontré pour la première fois il y a quelques années au Club Med ; non, pas le soir en dansant sur les pistes 😉 mais la journée en accompagnant Wafik Azmi-Salib, le directeur achats dans la transformation de son organisation achats. C’est un de mes plus beaux moments de consultant achats. J’y reviendrai un jour prochain, car c’est une aventure incroyable.
Quelques années après, je retrouve donc Marie-Hélène Blanché qui a créé son activité de conseil sur les achats responsables. En découvrant le blog, elle m’a dit « mais comment se fait-il qu’il n’y ait rien sur les achats responsables ? ». Elle avait raison ;( j’ai donc profité de l’occasion pour lui proposer de rédiger cet article. Et elle a accepté : voici son article.
Acheter des biens de consommations, acheter des denrées alimentaires, acheter des énergies, acheter des services … oui mais comment ?
Pendant des années, les Directeurs Achats et leurs équipes ont exclusivement centré leurs préoccupations sur ce leitmotiv : la réduction des coûts. Cette époque est révolue et les responsabilités des acheteurs sont désormais étendues. L’acheteur est garant des Achats Responsables : c’est un pan majeur de la démarche de Responsabilité Sociétale de son Entreprise (RSE). Être responsable dans ses achats c’est en maitriser les impacts (i) environnementaux, (ii) sociaux et (iii) sociétaux. Voici quelques pistes pour aider l’acheteur à changer le monde.
L’acheteur peut changer le monde !
L’expression vous semble trop ambitieuse ? Expliquons-nous.
L’acheteur a un rôle pivot entre les opérationnels de son organisation et les marchés. Sa demande va orienter la réponse des fournisseurs et prestataires qu’il sollicite dans ses consultations, mettant ainsi en action toute une chaîne d’approvisionnement complexe, induisant d’une part le travail d’hommes et de femmes et d’autre part l’utilisation de matières premières issues de nos terres.
Cartographiez vos risques, créez le plan d’actions et préparez le changement
Un fournisseur sérieux et mature aura mené des Analyses de Cycle de Vie (ACV) de ses produits, aura calculé leur impact environnemental et sera transparent sur sa chaîne de sous-traitance… qu’il s’appliquera à maîtriser au quotidien. Tout ceci implique des relations fournisseur pérennes et de confiance, avec une bonne compréhension des contraintes et enjeux respectifs… mais ce niveau de collaboration et de « business-partner » n’est pas toujours facile à mettre en œuvre avec l’ensemble du portefeuille de fournisseurs gérés par chaque acheteur. La solution passe donc par un travail de cartographie des risques en amont, qui permettra de prioriser les actions. Cette cartographie dictera également la profondeur des « due diligences » menées pour s’assurer de la prévention de la corruption et de l’éthique des affaires.
Bonne nouvelle !
De nouvelles lois (dont certaines extraterritoriales) constituent désormais de bons catalyseurs pour cette démarche : la loi de transition écologique1, le devoir de vigilance2, Sapin 24, EGalim3 pour l’alimentaire. Les ONG sont également de bons garde-fous et actionnent leur devoir d’alerte à chaque fois que des dérives sont constatées.
L’impact sociétal
Le troisième et dernier volet de la démarche concerne l’impact sociétal : développement des tissus économiques de proximité, exemplarité dans le paiement des factures, activation du réseau des ESS5, aide à l’emploi des personnes en situation de handicap et des personnes en réinsertion professionnelle…
Les achats locaux sont également au cœur de la démarche d’achats responsables mais, ne nous leurrons pas, les ressources ne sont pas globalement et uniformément réparties sur l’ensemble de la planète. L’achat local, (communément défini comme une production réalisée dans un rayon de 160 km maximum du lieu d’utilisation) ne peut pas être généralisé à tous les produits ni à toutes les étapes nécessaires à sa fabrication. Cet axe de travail ne saurait être systématisé sans générer de l’injustice pour les moins bien lotis en ressources naturelles.
Se réinventer après la crise du Covid-19
Sauf bouleversement majeur suite à la crise liée au Covid-19, les échanges économiques internationaux continueront d’être au cœur de notre économie mondialisée. La question est surtout de les ré-inventer, en les assainissant des nombreuses aberrations. Réduire au maximum
le nombre de kilomètres parcourus, en ayant en tête le fameux exemple du jean7 qui parcourt 60000 km avant de trouver son acheteur final. Deux réponses semblent intéressantes si nous nous concentrons sur le périmètre France. L’acceptable et la outof-the-box.
Vous pouvez aussi relire mon article sur Les activités de l’acheteur pendant la crise
« L’acceptable » serait de promouvoir, à chaque fois que possible, les achats de proximité en acceptant que de ce fait, le nombre de fournisseurs du panel augmente. La richesse de nos territoires nous le permet. « L’out-of-the-box » pourrait naître du choc de l’épidémie du Covid19 et d’une prise de conscience du risque d’autres pandémies, dont la cause est éminemment écologique. Souhaitons que cette crise devienne une opportunité pour le renforcement des démarches RSE.
Serons-nous prêts collectivement, non à l’abandon total de nos mauvaises pratiques de consommation mais, au moins, à nous ouvrir à un monde nouveau ? Un monde où nous capitaliserions sur ce qui est disponible dans notre périmètre à chaque fois que possible ?
Serons-nous prêts, pour faire écho à l’exemple précédent, à diversifier nos besoins et à porter des jeans en lin ou en chanvre, produits en France grâce au financement du développement plus large de cette filière ?
Le rôle majeur des directions générales à l’aide du reporting de performance extra-financière
Pouvons-nous imaginer que les Directions Générales, au sortir de cette crise, apporteront un appui plus concret encore aux Directions Achats pour accompagner de meilleures pratiques qui pourraient être valorisées par des certifications type B-Corp8 ? Toute cette démarche d’achats responsables implique une communication en interne et en externe via un reporting de performance extra-financière. La démarche y est documentée, ainsi que le suivi de la progression des indicateurs. Le référentiel du Global Reporting Initiative (GRI)9 définit les indicateurs attendus et fait maintenant l’unanimité.
La démarche RSE en général et sa déclinaison dans les achats donnent de la valeur à l’entreprise. Un panel fournisseurs, inscrits dans le durable, représente le capital immatériel de l’entreprise et est valorisé par les parties prenantes. Les investisseurs y sont de plus en plus attentifs, qui valorisent les critères ESG10.
Acheteurs, acheteuses, unissez-vous, unissons-nous pour provoquer le changement !
Donnons de la valeur à nos actions en réduisant leurs impacts négatifs et devenons les promoteurs d’une démarche vertueuse !
Article écrit par Marie-Hélène Blanché, conseil freelance en achats responsables => son profil LinkedIn en avril 2020
En complément de l’article de Marie-Hélène, j’ajoute trois organisations qui œuvrent sur ce sujet ; vous trouverez beaucoup de ressources sur leurs sites web respectifs.
Je suis à la recherche d’acheteur ayant mis en place une politique achats responsables avec des premiers résultats ; si c’est le cas, écrivez-moi !
Quelques liens très utiles
La Fondation Solar Impulse Bertrand Piccard
La chaine YouTube d’Aurélien Barrau
ESS, Economie Sociale et Solidaire